Le parfum des fleurs [TERMINÉ]

Odeurs étranges, diverses et variées, mélange constant de voix, races mixtes... Malgré le froid d'un hiver précoce, la capitale allait à son train de vie habituel. Au-delà de la grande cité, la neige avait déjà commencée à déposer son doux manteau blanc. Sous sa cape noire, avançant à allure respectable, la jeune fille passait inaperçue. Elle ne faisait pas le moindre bruit, ses pas silencieux et son inaudible respiration créés une étrange bulle de silence au milieu de la foule en ce jour de marché.

Suivant d'abord la grande rue, elle s'engagea bientôt dans des ruelles plus étroites. Elle évitait ainsi la trop grande présence humanoïde, et gagnait du temps qu'elle savait précieux. Ses activités lui donnait sans cesse du travail et une petite escapade lui permettait de vivre un petit moment d'intimité.

Peu à peu, elle s'approchait de son but final. Elle s'engagea dans une rue plus étroite encore lorsque les trois hommes à l'allure douteuse lui coupèrent la route. Leurs propos furent très explicites et n'importe quelle femme aurait sans doute pris la fuite en espérant que son mari n'apprendrait pas ce peu respectable évènement. N'étant pas n'importe qui, ce ne fut pas la réaction de la jolie demoiselle. Elle se contenta de relevée sa capuche et releva les yeux vers les trois violeurs. Ce contact visuel et sans doute mental fut un argument suffisent pour que les trois malheureux décident de la laisser passer sans le moindre mots ou geste. Et sans qu'un autre mots soit dit, notre jeune femme rabaissa a capuche et s'avança vers la lumière naissante en fin de rue.

La ruelle débouchait sur une rue, et au-delà de cette rue, la parc. Une allée d'arbres roux bordait le petit parc. Tristes et mornes, arbres, arbustes et fleurs perdaient leurs couleurs d'automne et affichaient les grises couleurs hivernales. Iedike s'avança, poussa la grille du jardin qui s'ouvrit en grinçant, brisant un instant le silence du parc. Le jardin n'était pas un des plus grands d'Aanvydya, mais présentait tout de même un étrange et harmonieux complexe floral.

Iedike releva sa capuche noire, et s'avança dans les petites allées et s'assit enfin sur la pierre froide et dure d'une fontaine. De l'eau gelée formait d'élégantes stalactites bleuâtres. Alors Iedike respira un grand cou, un sourire se dessina sur ses lèvres délicates. Une douce odeur flatta alors son petit nez sensible, et en se dirigeant vers sa source d'émission, elle n'eût aucun mal à trouver un petit carré fleuris. Des fleurs qui d'ordinaire ne voyaient le jour qu'en Aerillia, cité où son voyage vers l'apprentissage de la sagesse avait pris forme.

Elle se laissât alors tomber à terre sur la terre froide et se laissa enivrer par ce doux parfum. Le monde matériel n'existait plus tandis qu'elle s'abandonnait à la Nature.
Un petit morceau d'éternité. Doux, éphémère et sucré, ce moment lui appartenait. Les larmes qui perlaient de ses yeux se transformait presque immédiatement en perles translucides. Des larmes du passé...

Sans même s'en rendre conte elle s'affaissa et son corps s'évanouit sans crier garde tandis que son esprit pris le chemin des rêves sans nom.

Lentement Iedike refit émergence dans le monde réel. Une voie d'abord puis des mains. Étrangement le froid ne se fit pas sentir et une douce chaleur accompagna son réveil.

Elle ouvrit les yeux tan bien que mal et toussa. Du sang tomba sur le sol froid. Iedike essuya du bout des doigts les perles de sangs restant sur le coin de ses lèvres. Elle releva alors la tête vers celui qui l'avait réveillée. Elle vit d'abord ses yeux bleus et intelligents, et compris très vite que l'homme tentait une approche mental. Elle fermât immédiatement son esprit et se releva en titubant.

-Merci beaucoup monsieur. Sans vous j'ignore combien de temps j'aurais pu rester dans ce petit coma.

Soudain, l'attention de la jeune fille se porta sur le médaillon que portait l'étrange personne en face d'elle. Ses yeux s'ouvrirent en grand tandis que l'identité de son interlocuteur lui devint évidente.

-Vous êtes l'Archonte Principal, Messire Elshade... ?

Iedike en resta quelque peu pantoise. Une petite quinte de toux accompagnée d'une flaque non négligeable de sang lui remirent les idées en place. Sortant d'une main experte une petite seringue de la poche de sa manche, elle s'injecta une petite dose de produit violacé avec une petite grimace.

-Veuillez m'excuser Messire, cette maladie ne me lâche pas. Je suis Dame Almasy. L'ironie du sort veut qu'une guérisseuse soit en proie à la maladie.... Merci encore pour votre intervention.


L'homme l'intriguait, non pas par sa fonction et son titre, mais par la personnalité qu'il semblait avoir.

-Cet endroit est-il approprié pour un homme de votre rang ? Mais je comprends volontiers l'attrait que peu avoir ce jardin pour vous. Ces fleurs sont originaires du même lieu que vous, si je ne me trompe...


Dans sa voie perçait la curiosité, la demoiselle emportée dans son élan enchaînait les phrases sans plus prêter attention à donner un titre à l'homme. Son visage s'était éclairci depuis son réveil, comme si elle se remettait d'un étrange cauchemar. Sa capuche cachait toujours ses yeux, mais ne cachait pas son sourire amical, chaleureux.

Petit détail. Le Millotys qu'elle avait cueilli. Elle le ramassa, et resta ainsi, accroupie, la fleur blanche à rainures bleues dans ses mains. Mélancolique.

Iedike accepta l'invitation silencieuse de Messire Elshade en posant sa main sur le bras de celui-ci. Le froid se refit sentir alors que l'homme retira le doux sortilège qu'il avait précédemment adroitement posé.

-Je comprends que Aerillia puisse vous manquer. Cette cité est un chef d'œuvre... C'est dans ces lieux que j'ai découvert le Millotys pour la première fois. Ces fleurs sont tellement délicates...

La jeune guérisseuse eue un petit sourire doux.

-Savez-vous que le Millotys possède d'étranges propriétés curatives ? Enfin, pas vraiment pour des maladies physiques, mais elle favorisent les sommeils réparateurs et permettent de faire des soins mentaux fort efficaces. Je pense que le froid accentue cet effet, c'est sans doute pour cela que je me suis évanouie.

L'étrange couple, cape noire et démarche souple pour tout deux, dépassa la fontaine principale. Le ravissant complexe de glace était un spectacle des plus saisissants. Iedike ralentie le pas pour s'enivrer de cette merveille éphémère.
Elle reprit alors le vif du sujet, un sourire gêné sur les lèvres que le froid se dépêchait de gercer :

-La Cour de Cassation me dîtes-vous... Certes je conçois que c'est intéressant mais je ne pense pas que cela rentre dans mon domaine. Sauf si, chose tout à fait possible, je ne comprenne pas la fonction exacte de cette fameuse Cour...

Sourire malicieux. Autant essayer d'en savoir plus. Détenir des informations étant synonyme de pouvoir. Et puis, Iedike savait à quel point Asplirya manquait de guérisseurs. Si l'Archonte avait une offre intéressante à lui faire tant mieux, et sinon, elle pourrait toujours proposer au Sylfer une discussion visant à découvrir un peu plus l'homme qui se cachait sous cette façade d'Archonte.

La proposition était intéressante, étrangement attirante. Cette fameuse Cour avait la très bonne renommé de n'être composée que de hauts nobles et mages. Et Messire Elshade semblait considérer la jeune demoiselle comme faisant partie de ces deux catégories. De plus, cette invitation lui laisserai l'honneur d'assister à l'inauguration de la Cour de Cassation. La nouvelle position qu'elle pourrai alors occuper lui permettrai d'entrer dans un nouveau milieu social fort intéressent. Son visage esquissa un nouveau sourire.

-Ma fois, cette proposition me convient. Je serai présente à cette première séance, et si vous me le permettez, je prendrai la décision d'y revenir à la fin de celle-ci.

Iedike caressa la Valeryas d'un air rêveur. Cette fleur était autant un délice visuel que olfactif.

-Je me permet de vous informer au passage que je ne suis pas particulièrement sensible à la flatterie. Je le suis cependant aux fleurs...

Sa voie s'était faite moins sérieuse, accompagnée d'une touche de malice. Elle laissa un petit silence, continuant tous deux leur marche. Un sentiment étrange envahie alors la petite guérisseuse. Bien que les deux jeunes personnes ne se connaissaient à peine, un certaine intimité semblait exister autour d'eux. Marchant côte à côte, tel un vieux couple, admirant la beauté éphémère d'un jardin aux allures féeriques. Pour elle, l'Archonte était, bien que Sylfer, humain avant tout. Et cette homme tenait dans son esprit d'ores et déjà une grande estime. Dans sa puissance autant que dans sa sensibilité.
Elle brisa le silence de sa voix pure tel la glace qui se craquelle.

-Je fait principalement partie de la guilde Van Feeëriek. Guilde de guérisseurs à tendance magique. Mais je suis toujours représentante officielle de la famille Finn'Almasy, et travaille pour deux autres, hum.. guildes... mais je ne peux hélas me permettre de vous en dire plus. Disons en tout cas que vous me voyez là dans un de mes rares temps de repos.

La soif tiraillant sa gorge sèche, Iedike s'approcha d'une fontaine à robinet qu'elle tourna. L'eau mit deux longues minutes avant de couler en mince filet bleuté. Le contact avec cette eau froide la fit frémir mais le liquide presque gelé sut rendre à sa gorge davantage de douceur. Une petite brise la fit frémir, et alors qu'elle allait pour refermer le robinet elle interrompit son geste et adressa un doux sourire à son temporaire compagnon.

-Vous en désirez Messire ? Elle est vraiment froide mais très pure et douce.

La promenade touchait à sa fin et la jeune fille sut que la conversation se clorai avec elle.

-Je me vois obligée de refuser cette autre offre. Du moins pour l'instant. Je vais assister à la première séance de la Cour de Cassation et par la suite, selon mon avis, je demanderai un arrangement avec mes guildes.

Une douleur atroce dans son dos la fit taire. Son dernier mot s'étouffant dans une grimace. Capuche toujours baissé mais tête haute, la jeune guérisseuse repris :

-Quand et à quelle heure aura d'ailleur lieu cette fameuse séance, Messire ?

Un léger rayon chaud transperça la voute nuageuse. Le soleil était déjà haut. L'heure tournait. Il était temps pour elle de repartir, de nombreuses tâches l'attendaient.
Son pas s'accelera légèrement.

La jeune fille ne sût pas si l'Archonte avait délibérément ignoré son trouble où s'il ne l'avait tout simplement pas vue. Mais la première ipothèse lui semblait plus plosible et elle lui en était reconnaissante.

-Je me dois en effet de vous quitter, Messire. Je vous remercie encore pour tout. Votre aide, vos offres, et votre compagnie durant cette douce promenade.

Elle inclina la tête en prise de congé. Elle sorti du jardin et déjà la solitude et le silence recréerent autour d'elle un halo impalpable.
Elle se retourna une dernière fois vers l'homme, souriante de tout son être, ne cachant pas une certaine tristesse émanant de ses grands yeux expréssifs... Elle se rapellerai longtemps de cette étrange promenade dans ce merveilleux jardin d'hiver, accompagné de cet être qu'elle souhaitai plus que tout pouvoir considérer comme ami...
Puis elle se détourna, capuche de nouveau rabbatu sur ses yeux, le pas vif et certain. Une mission l'attendait dans la basse ville.
Une certitude. Elle participerai a la première session de la Cour de Cassation. Mais pour l'heure, elle devait répondre à ses obligations de guérisseuse.